elBulli

La science aromatique de Chartier comme une cartographie alimentaire pour inspirer le chef Ferran Adrià»

François Chartier est consultant en science aromatique, ce qui l’amène à participer à la création de recettes qui s’en inspirent pour certains des plus grands chefs du monde. C’est le cas, notamment, du chef catalan Ferran Adrià, avec qui Chartier a collaboré entre 2008 et 2010 au développement de plus d’une soixantaine de recettes destinées à son célèbre restaurant elBulli, sacré à cinq reprises Meilleur restaurant au monde, dans la liste du The World’s 50 Best.

Membre de la grande famille elBulli

Chartier fait dorénavant partie de la grande famille elBulli ; en plus d’avoir participé au documentaire « elBulli : Cooking in Progress », il a aussi été appelé à collaborer à de nombreux autres projets depuis. Pensons à ceux de la elBulli Foundation par le biais des encyclopédies Vino Sapiens de la BulliPedia ; aux créations de Chartier pour l’Hôtel Sofia (Caja aromatica, une carte aromatique de vins et autres boissons signée Chartier) ; au projet de la nouvelle bière Damm par Chartier ; ainsi que l’étonnant projet aromatique Sentir pour Voir Picasso, lors de l’exposition La Cuisine de Picasso, au Musée Picasso de Barcelone, sous le patronage de Ferran Adrià. Ce ne sont que quelques exemples, ces projets ayant été conçus et réalisés par Chartier grâce à sa complicité de Ferran Adrià et de Ferran Centelles, célèbre sommelier d’elBulli et ami proche de Chartier.

RÉSUMÉ D’UNE SEMAINE DE COLLABORATION AROMATIQUE DU CONSULTANT FRANÇOIS CHARTIER AU CŒUR DE L’ATELIER elBulliTaller (Barcelone, décembre 2008)

Bon, par où débuter… disons que François Chartier a vécu une semaine de rêve, même si cette expression est un brin galvaudée. Une belle complicité s’est rapidement installée entre François Chartier et le chef Ferran Adrià, tout comme avec ses bras droits de l’époque, les chefs Oriol Castro, Eduard Xatruch et Mateu Casañas, aujourd’hui propriétaires des remarquables restaurant barcelonais Disfrutar (9e au Monde et 2 étoiles Michelin) et du restaurant Compartir, à Cadaques). Cette complicité est née dès les premiers instants de créativité vécus dans leur cuisine-laboratoire de Barcelone.

Aussitôt que Chartier a commencé à consulter la liste des ingrédients sur lesquels l’équipe de têtes chercheuses travaillait depuis quelques semaines, les idées harmoniques se sont bousculées dans sa tête. Les échanges qui ont suivi ont été fructueux, intenses et on ne peut plus « sur le vif », au fil des essais et des dégustations d’aliments, de produits, de concepts et de recettes.

C’est extraordinaire pour Chartier d’avoir l’écoute d’un chef tel que Ferran Adrià, qui est très ouvert à sa science aromatique d’harmonies moléculaires, tout comme à ses idées de création de plats, avec les ingrédients harmoniques qui en découlent.

Voici quelques commentaires de Chartier, recueillis en décembre 2008, après sa première semaine au elBulliTaller, à Barcelone :

« Il faut savoir que Ferran Adrià est actuellement au cœur d’une nouvelle période créative, à l’image de son compatriote Picasso, qui, après une période bleue, puis une teintée de rose, a laissé exploser au grand jour le cubisme. Donc, le maestro du elBulli, de la baie de Cala Montjoi, située à quelques kilomètres de Roses, est en plein foisonnement culinaire, jouant plus que jamais avec diverses techniques, tel le mimétisme, ainsi qu’avec des produits peu explorés jusqu’ici, dont une pléthore de nouveaux gélifiants.

Sans compter qu’il sera exceptionnellement en mode « recherche et développement » jusqu’à la mi-juin, afin de mener à terme la myriade d’idées qui s’apprêtent à jaillir de lui, et qu’il se permette, pour la première fois depuis l’existence d’elBulli, de travailler avec les riches produits de l’automne jusqu’à la mi-décembre (le restaurant elBulli est habituellement ouvert du 1er avril au 1er octobre).

Pour y parvenir, il s’adjoint aussi les conseils de personnes de différentes professions, comme un jeune physicien catalan, chercheur à Harvard dans l’univers animal et végétal des tissus mous, donc des textures molles (il y a du Dali là-dessous !). L’artiste Adrià a su faire rapidement le lien entre les deux disciplines.

Les courges, les champignons, les légumes racines et, bien sûr, les gibiers sont actuellement triturés sous toutes leurs coutures afin de laisser émaner des concepts texturaux qui permettront par la suite, d’ici juin, de magnifier de nouvelles saveurs qui leurs conviendront, sous leurs nouveaux habits sculptés par le célébrissime créateur catalan. Comme il le fait depuis vingt ans, il cherchera à décliner en plusieurs versions un seul et même produit.

Lors de cette première semaine que j’y ai passée, du 16 au 19 décembre, plus de 32 concepts achevés et inspirés ont été architecturés, finalisés, dessinés et photographiés, puis accrochés bien en vue sur les panneaux de réflexion situés au cœur de l’atelier de Barcelone. On parle ici de seulement un mois et demi de remue-méninges…

Ferran me confiait (eh oui ! j’ai le privilège de le tutoyer…) que c’est la première fois qu’un si grand nombre de concepts sont avancés après un si court laps de temps. Quand on pense qu’il reste six mois de travail acharné à abattre à l’équipe dans la cuisine-laboratoire jouxtant le célèbre marché de légumes et de poissons La Boqueria, on ne peut que rêver du résultat final…

Il me faudra apporter mes suggestions harmoniques sur les possibilités d’ingrédients et de saveurs qu’il serait approprié d’envisager pour complexifier l’ensemble des recettes qui en découleront d’ici la date d’ouverture tant attendue. Un malstrom aromatique s’empare littéralement de mon cerveau ! » (François Chartier)

À partir des produits sur lesquels ils planchent, Ferran et ses cinq chefs de l’équipe de créativité de l’atelier elBulli demandent ensuite à Chartier de venir ajouter les aliments de la même famille harmonique. Ces aliments proviennent de ses recherches en « Harmonies moléculaires », discipline créée par Chartier en 2004 (qui s’expriment par la synergie des molécules aromatiques dominantes entre les ingrédients) afin de créer de l’harmonie de saveurs dans les différentes créations. Cela permet du même coup d’ouvrir de nouvelles idées de mariages d’ingrédients jamais utilisés jusqu’ici (comme le jumelage de l’algue nori et de la framboise ou du parmigiano reggiano et du café).

Il se sent évidemment très privilégié de vivre cette expérience, car très peu de collaborateurs extérieurs ont ainsi accès au centre de créativité elBulliTaller.

La complicité étant tellement bonne, et les résultats si probants, que Ferran Adrià et Juli Soler, les deux associés de l’empire elBulli, ont offert au créateur d’harmonies québécois de devenir leur consultant harmonique. Ceci implique qu’il fait partie de l’équipe de recherche d’elBulliTaller, autant à distance que sur place, au grés de ses déplacements en Europe.

Dans un premier temps, cette collaboration unique entre l’équipe d’Adrià et Chartier s’est traduite par un travail à distance, par courriel et par téléphone, afin d’échanger autant sur les ingrédients pour lesquels on tentait de trouver de nouvelles pistes, que sur les recherches quotidiennes. Puis, bien sûr, un retour à Barcelone a permis de partager sur place les recherches entreprise par le créateur d’harmonies sur les travaux déjà entamés présentés par courriel. Cela a permis de pousser les expériences plus loin, sur place. Finalement, le travail en équipe s’est conclu au en cuisine, au restaurant, afin de peaufiner certaines idées partagées qui avaient pris forme par la maestria de Ferran.

Tout ce processus a culminé vers une myriade de nouvelles créations pour la saison 2009 du restaurant elBulli, qui a rouvert cette année-là à la mi-juin (au lieu d’avril), afin de pouvoir fermer plus tard à l’automne, à la mi-décembre (au lieu du 1er octobre habituel). Ce choix permettait de travailler pour la première fois avec des produits de l’automne, comme certains champignons, la courge et les gibiers, dont le lièvre et son sang.

Cela donnait aussi aux équipes la possibilité de pouvoir créer sur une plus longue période à l’atelier de Barcelone (du 1er octobre 2008 au 1er juin 2009), ce qui est une première !

Il faut dire que chef Adrià était dans un renouveau de créativité unique, après 20 ans de folle inspiration ; à l’image de Picasso, il vivait une deuxième période de renouveau créatif, vers d’autres horizons. Il en a dévoilé avec brio les résultats finaux en juin 2009 lors de la réouverture. Notez que depuis cette date, le chef en est à sa troisième période créative, depuis la transformation du restaurant elBulli en centre de recherche ouvert 365 jours par année.

CAHIER DE NOTES DE FRANÇOIS CHARTIER SUR SES TRAVAUX EFFECTUÉS AU ELBULLITALLER AVEC Ferran Adrià:

Collaboration de Chartier au elBulliTaller, Barcelone, le mercredi 17 décembre 2008

Tofu de lait au siphon
Reproduction parfaite de la texture et du visuel du tofu, réalisée avec du lait magnifié au siphon, fini en format cubes ou rectangles. Même le goût est aussi neutre que le tofu, mais sans le petit arrière-goût du soya.
Essais: Jus de viande avec le tofu (rappelle à Ferran le pain perdu ; donc, il sera assurément aussi utilisé en mode sucré, au dessert). Le résultat est stupéfiant d’illusion et de saveurs intenses, la matière lactée prolongeant en bouche la persistance des molécules aromatiques du jus de viande.

Glace au sésame blanc, laque au sésame noir (salé) (à partir d’une sorte de ganache de sésame noir, hyper concentrée)
Propositions Chartier : Avec tempura con sesamo (voir recette essais elBulli 2007/2008) & Servir des graines de pitaya à côté de la glace au sésame blanc, laque au sésame noir qui annoncent visuellement des graines de sésame noires… en trompe-l’œil (effet de mimétisme).
Autres ingrédients complémentaires au sésame proposés à Ferran : Il est possible d’ajouter à cette recette (glace au sésame blanc, laque au sésame noir) soit du café, de la root beer, de la fumée, du xérès oloroso (tous des ingrédients de la même famille moléculaire que le sésame blanc/sésame grillé).

Poire au vin rouge « sans poire »
À base de melon vert (de type melon de miel, mais beaucoup plus gros) coupé en forme de poire, même avec le petite queue au sommet, puis macéré dans le porto.
Propositions Chartier : Utiliser l’eau de kaki au lieu du vin, étant donné le côté astringent de l’eau de kaki. Ainsi, on aura une poire au vin sans poire ni vin (il faut diluer l’eau de kaki, car très astringente, puis la colorer rouge plus foncé avec de la crème de cassis).

Châtaigne d’eau (castaña)
Epluchée et cuite presque crue pour être juste très croquante et texturée, mais pas fibreuses ou flasque comme d’habitude (car trop longtemps dans l’eau de la conserve)
Travaillée avec crème de noix de macadam et aussi en une combinaison praline et eau de châtaignes.
Propositions Chartier : L’oursin s’appelle aussi « châtaigne de mer » ; donc, pourquoi ne pas marier l’oursin à la châtaigne d’eau (castaña) ? Utiliser la châtaigne d’eau/castaña, cuite à l’eau de mer, pour présenter l’oursin à l’intérieur de la castaña.
S’amuser aussi avec les ingrédients complémentaires à la châtaigne : figues, dattes, sirop d’érable, poudre de cari, sauce soya, huitlacoche et bière de type impérial stout.

Feuille de papier de sucre (comme le kufu du Japon), parfumée à la vanille
Propositions Chartier : Proposer d’utiliser cette feuille comme support aromatique avec les aliments de type sotolon (sirop d’érable, poudre de cari, sauce soya, huitlacoche, figue séchée, rhum brun, etc.)
Ferran a beaucoup aimé et propose de faire cette feuille de papier de sucre plutôt avec son ancienne « Roue des saveurs » mais avec des gelées aux différentes saveurs de sotolon, cette fois. Une recette sotolon est donc née !

Raisins au saké
L’idée consiste à jouer avec le cerveau humain qui pense déguster un raisin et s’attend donc à une saveur de raisin, comme de vin. Mais ici, c’est la saveur du saké (à base de riz) qui fera un trompe-l’œil et un trompe-papilles. Mais au bout du compte, l’alcool du saké est trop présent.
Propositions Chartier : Dans un premier temps, je propose d’utiliser un saké Nigori, avec un taux d’alcool plus bas et doté de notes aromatiques plus lactées et plus douces ; il a une certaine sucrosité qui permet de calmer le jeu. Résultat probant.

Je propose également de s’amuser à faire différents raisins pour différents vins : liqueur d’anis pour sauvignon blanc (dominé par les molécules anisées) ; jus de betterave rouge pour pinot noir (dominé par l’eugénol, molécule de la betterave rouge) ; huile d’eucalyptus pour grenache/garnacha (aussi dominé par l’eucalyptol, la molécule de l’eucalyptus) ; eau de rose pour gewurztraminer (cépage s’il en est un dominé par le cis-rose-oxide et la damascena, deux molécules de la rose) ; fruit de la passion pour le scheurebe (proche cousin du sauvignon blanc, aussi dominé par les thiols du fruit de la passion), etc. Mille pistes aromatiques inspirantes pour créer des trompe-narines !

Kaki
Nous avons beaucoup travaillé le kaki, en différentes textures.
Propositions Chartier : Il faut le travailler avec noisettes, vanille, chicorée en poudre, infusion de racines de chicorée torréfiées, tous des ingrédients complémentaires au kaki et qui partagent des molécules dominantes de même famille.
Le kaki est aussi à ranger dans la catégorie des ingrédients astringents ; à la demande de Ferran, j’ai créé une liste exhaustive de tous les ingrédients contenant de l’astringence, pour ensuite analyser comment les marier et les cuisiner.
Voici quelques ingrédients astringents de cette liste :

  • airelles rouges
  • amandes (certaines amandes fraîches)
  • canneberges
  • chicorée (racines)
  • coing
  • grenade
  • guaraná
  • jacquier
  • myrique baumier
  • plantain
  • poire d’Anjou
  • pomme à cidre
  • physalis (cerise de terre)
  • noix de Grenoble
  • achillée millefeuille
  • thé (surtout le thé vert)
  • bière (certaines variétés)
  • fromages (certains vieux fromages)
  • vin rouge (surtout ceux chargés en tanins, comme les vins de cabernet sauvignon, de mourvèdre/monastrell, de nebbiolo ou de zinfandel…)

Framboise et/ou litchi au kimchi
Idée qui me vient de la recette d’espuma de chou-fleur et semoule de chou-fleur trouvée dans les archives des 20 dernières années auxquelles j’ai eu accès.
Donc, mettre du kimchi au cœur de cette recette d’espuma (car le kimchi partage des molécules avec le chou-fleur). Ou au centre d’un nuage de blancs d’œufs montés en neige, très aérien, neutre, mais qui surprendra le convive une fois le kimchi sur ses papilles !
Aussi, comme la framboise partage des molécules avec le kimchi (tout comme le litchi), infuser une framboise (ou un litchi) au kimchi (dans de l’eau chaude), puis servir la framboise chaude, sans rien annoncer… (et utiliser l’eau restante dans la casserole pour créer une soupe ou autre eau parfumée ?)

Dessins fait par Chartier, au elBulliTaller. 

Collaboration de Chartier au elBulliTaller, Barcelona, le Mardi 16 décembre 2008

NOIX DE MACADAM
Tuile de pain grillé, avec semoule de noix de macadam saupoudrée dessus et pointe de kimchi (mon idée quant à la façon de la déguster : très aérien et friable, donc difficile à tenir dans les mains ; peut-être servir sur une plaque lisse en inox et faire glisser dans la paume de la main des convives ?)
Peut-être mélanger la noix de macadam crue et grillée, avec une pointe de poudre de cari ?
Remplacer le kimchi par une poudre de cerise acidulée ou par des graines de cerise déshydratées ? Ou utiliser un doigt d’umeshu (un alcool japonais aux prunes) ?

YUZU (de Agrumes Baches, dans les Pyrénées https://agrumesbaches.com/ )
Un demi-yuzu, vidé et farci avec gelée de ponzu ou de dashi.
Aussi en mode dessert, avec miel de lavande, fenouil, bergamote.
Avec uniquement des aliments anisés et au goût de froid.

  • yuzu déshydraté en poudre (épicerie chinoise), d’une saveur unique ! Vraiment très long en bouche, granuleux et amer.
    Parfumer avec kimchi, tomate, muscat, angélique, cardamome, bergamote, cumin, carvi, kummel, Pernod, Bénédictine, Chartreuse.

Citron caviar (aussi de Monsieur Baches) : de la grosseur d’un kumquat, intérieur comme un pamplemousse rose, avec de petites perles rosâtres fermes et presque croquantes, au goût acidulé, rappelant le pamplemousse rose.
Faire une vinaigrette avec huile d’olive et basilic vert et pourpre.
Le nom scientifique du citron caviar est « citrus australasica » (également appelé « microcitrus australasica »).
Comme son nom l’indique, le citron caviar est originaire d’Australie.
Le Relais gourmand d’Olivier Roellinger vous proposait à cette époque, en guise d’entrée, « Les petites cancalaises ». Cette entrée était composée de trois huîtres plates : naturelles, muscadées et au poivre de Chiloé ; accompagnées d’un petit citron caviar.

PÂTES AUX NOIX DE MACADAM
Travail sur de fines petites pâtes à base de pâte de noix de macadam, à la texture suave et presque compacte, mais fondante.
Parfumer avec des aliments dominés par la même molécule (benzaldéhyde) : fève tonka, camomille, abricot, cerise, prune, pêche, Amaretto, kirch.

TERRINE FONDANTE DE COURGE
Travailler la courge orangée avec agrumes (mandarine), miel de lavande, curcuma, kimchi, gingembre.

Huile de courge (Autriche)
au goût éclatant, puissant, riche et intense d’amande, de noisette et de vanille, avec une amertume juste dosée. L’une des meilleures huiles jamais dégustées !
Servie sur un sorbet aérien de courge, la saveur de l’huile devient encore plus éclatante à l‘attaque en bouche et plus longue.
Il faut essayer cette huile sur différents fruits dominés par la même molécule (benzaldéhyde) : abricot, cerise, pêche, prune.

MERINGUE
Travail pour créer des meringues sans protéines, plus aériennes ; reste à trouver des pistes aromatiques pour les parfumer…

FRAISE TRANSLUCIDE
À partir de moules flexibles en silicone, préparer une fraise translucide en gelée, pour la faire ensuite disparaître dans une soupe d’eau ou dans un cocktail glacé à l’alcool.
Idées : pourquoi ne pas servir la fraise, mais au goût d’ananas, puis un sorbet jaune au goût de fraise (avec girofle/caramel/basilic/cannelle/vanilline) ?
Servir avec crumble de fraise et d’ananas lyophilisés (voir essais 2008 elBulli, 16 janvier)

KAKI
Surgelé, remis à la température de la pièce, puis cuit ; cela permet de libérer une gelée naturelle (pectine) qui permet de tenir le tout, une fois que la peau a été retirée. C’est comme si le kaki avait été reconstruit de toutes pièces. Servi dans un liquide, donc à la cuillère.
Saveur sucrée et acidité moyenne, texture rappelant la courge.
Coupé en cubes, puis enrobé de sucre (maltol) et chauffé ; le kaki devient ainsi coulant à l’intérieur et moyennement croquant à l’extérieur lorsque chaud.
Avec chicorée en poudre (chicoria), superbe !
Chicorée fraîche : saveur vanillée et caramélisée.
Poudre : développe, une fois pulvérisé, un goût de noisette, très torréfié.
Faire torréfier les racines de chicorée, pour une infusion de chicorée avec le kaki.
Ajouter estragon ?

ESPUMA DE CHOU-FLEUR ENROBÉ DE SEMOULE DE CHOU-FLEUR

Différents essais avec enrobage de chou-fleur cru, chou-fleur cuit vapeur et chou-fleur rôti.
Essais à effectuer avec une purée concentrée de framboise, au cœur de l’espuma, seule, puis aussi avec une pointe de wasabi ; un autre essai est tenté avec une pointe de kimchi (car tous sur le même mode moléculaire que le chou-fleur).
Lorsque j’ai partagé ces trois idées avec Ferran, il a eu par la suite l’idée d’une œuf à la neige très léger, avec la framboise/wasabi à l’intérieur.
Autre essai : création d’un eau de chou-fleur (à partir d’un chou-fleur grillé, puis macéré dans l’eau pendant 6 heures).

FEUILLE DE SUCRE
TRANSLUCIDE ET ULTRA MINCE COMME DU PAPIER

Inspirée de la philosophie japonaise kufu : « Le kufu est l’art de faire avec les “moyens du bord”. C’est utiliser son imagination pour parvenir à un but sans devoir se procurer quelque chose de supplémentaire et apprécier ce que l’on a, en l’employant le mieux possible, évitant ainsi le gaspillage. C’est la philosophie du zéro déchet. »
J’ai partagé avec l’équipe de Ferran, dont Oriol Castro, Eduar Xatruch et Mateu Casañas (aujourd’hui chefs copropriétaires des restaurants Disfrutar et Compartir), différentes pistes possibles pour aromatiser cette feuille de sucre afin d’en faire un jeu ludique.
En mode sotolon (molécule dominante dans le sirop d’érable, la sauce soya, la poudre de cari, le huitlacoche et le saké koshu).
En mode coumarine (molécule dominante dans la fève tonka ainsi que dans le thé vert, le céleri, la cannelle de Chine, le miel, la lavande, la vodka zubrowka).
En mode fumé/torréfié/anisé : réglisse, thé noir fumé lapsang souchong, café (et servi en morphing).
En mode bonbon poisson rouge (aux parfums de cerise, cannelle et girofle).

CHAMPIGNONS
Champignons de Paris comme une noix coco miniature (taillés comme une noix de coco, puis enrobés de pâte de coco et de noix de coco râpée et grillée, pour un look noix de coco (la noix de coco et le champignon de Paris sont dominés par la même molécule).
Riz sauvage et thé vert chinois sont aussi à considérer (car même profil moléculaire que champignons).

AUTRES PRODUITS QU’ILS TRAVAILLENT EN CE MOMENT (DÉCEMBRE 2008) ET DONT CHARTIER ET L’ÉQUIPE D’ELBULLI AVAIENT DÉBUTÉ L’EXPLORATION :

  • Dattes

  • Mini pak choï
    — Avec olive déshydratée
    — Avec sauce kimchi

  • Cardo Rojo (texture d’une asperge cuite) servi dans un cœur d’artichaud

  • Pomme à cidre

  • Carissa

  • Grenade

  • Canneberges (avec eau de cassis lyophilisé)

  • Asperges de Chine (Esparrago Chino), cuites en deux façons, en deux tronçons

  • Berza (laitue de style scarole/roquette)

  • Champignons (car c’est un produit d’automne, mais désir de les travailler en été, car elBulli a toujours été fermé entre le 1er octobre et le 1er avril. Les produits automnaux, comme les champignons et les gibiers n’y ont donc jamais été travaillés ou très rarement).
    — laminés
    — carpaccio + lamelles de noix de coco rôties
    — eau de champignons + eau de coco
    — air de champignons + carpaccio déposé sur l’air
    — cru + eau d’asperges
    — ceps taillés ultrafins à la microplane
    — Bouillon (inspiré d’un dashi).

  • Mini aubergine Alargada (Thaïlande)

  • Calabaza « cabello de angel blanca », chair blanchâtre, un brin astringente.

  • Castaña, avec chou-fleur

  • Raisins blancs, infusés au saké

  • Crus à l’alcool, confits au PX.

AUTRES IDÉES DÉBUTÉES EN DÉCEMBRE 2008 ET QUI PRÉSENTAIENT UN EXCELLENT POTENTIEL DE DÉVELOPPEMENT :

  • Croquant de shizo déshydraté et lyophilisé (servi avec cuillère à part contenant un jus concentré de shizo afin de réhydrater le shizo dans la bouche… mais aussi essais avec d’autres jus concentrés d’ingrédients partageant le même profil que le shizo, comme c’est le cas du poivre sancho et du basilic pourpre).

  • Olives noires déshydratées, avec wasabi (ils avaient essayé dans le passé avec des olives vertes, mais expérience non concluante).

  • SAUCE DE PÂTE DE CREVETTES (avec ingrédients partageant les mêmes molécules, comme les arachides).

  • SAUCE À L’AIL NOIR (avec ingrédients partageant les mêmes molécules, tels que poudre de cari et sauce soya).

  • TOFU CHINOIS FERMENTÉ (avec autres produits fermentés à base de koji japonais).

ELBULLI

Retour sur les deux premiers «événements marquants d’une vie» qui allaient propulser le Barcelonais d’adoption et Montréalais de naissance François Chartier dans l’univers d’elBulli. Ce lieu de création culinaire unique incarne désormais pour tous les grands chefs et observateurs de la gastronomie mondiale un centre de recherche et d’innovation absolument incontournable.

MUGARITZ

La science aromatique de Chartier se met au service de l’élaboration du menu 20e anniversaire du restaurant Mugaritz. Avec son chef, le très créatif Andoni Luis AdurizMugaritz se classe au septième rang du classement des « World 50 Best Restaurants » en 2019.

DOS PALILLOS

À l’occasion des 10 ans du restaurant barcelonais étoilé Michelin Dos Palillos, Albert Raurich a décidé de créer une série de 12 événements gastronomiques spéciaux et d’inviter chaque mois ses amis à préparer un repas avec lui dans son établissement, dont François Chartier. Albert Raurich a donc chargé Chartier de l’élaboration d’un menu inspiré de sa science d’harmonies moléculaires, afin de célébrer par le fait même les 30 ans de carrière aromatique du « Créateur d’harmonies » québécois.